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Cette fiche vous est proposée par : squekky Initiation
Mais Cécile avait du mal à se concentrer sur les paroles de Sonia. Recroquevillée dans le coin de la chambre où elle s’était réfugiée, elle tentait vainement de reprendre ses esprits ; mais une question obsédante revenait sans cesse, monopolisant toutes ses pensées, faisant même abstraction de la présence menaçante de Sonia : comment ? Comment en était-elle arrivée là ? Démunie, sans esprits, aux portes de la mort, luttant pour retrouver son calme ; alors que tout semblait si bien parti… Était-ce la fin ? Les Dieux avaient-ils scellé son destin et celui de Patrick ? Sonia la fixa d’un regard glacial, assez ennuyée par la situation. Elle avait cru que le Chevalier de la Licorne avait repris ses esprits après qu’elle lui eut enfoncé sa lame dans l’abdomen, mais force lui était de reconnaître que, le premier effet de surprise et de douleur passé, Cécile s’était de nouveau refermée sur elle-même. Or il lui serait impossible de lui soutirer la moindre information tant qu’elle serait dans cet état-là. Elle poussa un profond soupir d’agacement ; si seulement le Chevalier face à elle avait eu plus de sang-froid, elle n’en serait pas là. - Ce que tu es agaçante, petite Licorne… Je n’ai pas toute la nuit devant moi… et il me faut ces maudits papiers ! hurla-t-elle en prise à un soudain accès de rage. Son cosmos s’embrasa et la lame devint incandescente ; une horrible odeur de chair grillée se répandit dans la chambre, accompagnée d’un grésillement caractéristique. Le cri de Sonia, son cosmos enflammé, avaient plus ou moins atteint Cécile, la douleur ne lui faisant plus aucun effet, mais ce fut le mot ‘papiers’ qui la ramena définitivement sur Terre. Les papiers… - Les papiers… Ah… - Oui… lâcha Sonia, plus soulagée qu’elle n’aurait voulu paraître. Oui, petite Licorne… Les papiers… Qu’as-tu fait des papiers que vous avez dérobés ? Le couperet était tombé… Son ennemi voulait les documents. Documents qui avaient déjà été envoyés au Sanctuaire pour prévenir le Grand Pope des menaces qui se profilaient sur divers horizons. Les papiers… Elle voulait donc les papiers. Les idées de Cécile se remirent en place en une fraction de seconde ; ce n’était donc que ça… Et ces papiers, elle ne les avait même pas ; dans une certaine mesure, elle ne craignait plus rien. Prenant une profonde inspiration, Cécile releva lentement la tête, essayant d’ignorer ses poumons en feu et ses entrailles glacées. A son tour, elle fixa silencieusement Sonia, le regard brûlant d’orgueil, savourant à l’avance le moment où elle annoncerait à son adversaire que l’expédition qu’elle menait était déjà vouée à l’échec. Elle prit enfin la parole, avec l’impression que Sonia était pendue à ses lèvres, et prit un malin plaisir à retarder la cuisante nouvelle. - Mais ces papiers… je ne les ai même plus, ces papiers ! Je ne les ai pas ! Elle éclata de rire mais dut s’arrêter immédiatement, interrompue par une toux qui lui déchirait les poumons. Sonia faillit s’étouffer. Les papiers n’étaient plus là ? - Sache, poursuivit Cécile entre deux quintes de toux, que les documents que tu cherches sont en ce moment au Sanctuaire d’Athéna. Et que, pour ta gouverne… - Et que depuis quelques jours, ils ont été étudiés par l’ensemble de notre Ordre, expliqua-t-elle, un sourire mauvais aux lèvres. Et que depuis quelques jours, toute la Chevalerie est au courant ; au courant de tout ! Le cosmos de Sonia s’embrasa sous l’effet de la fureur, et Cécile sentit la lame se faire de plus en plus cuisante, si c’était possible. Sans même se rendre compte de ce qu’elle faisait, Sonia déplaça son arme, atteignant des parties de sa proie jusque-là non touchées. Une vague de douleur aiguë et brûlante submergea Cécile ; cette fois-ci cependant, le Chevalier de la Licorne réagit différemment à la souffrance, et releva violemment le menton dans une attitude de défi, laissant toute ironie de côté. - Vas-y ! cracha-t-elle durement. Tue-moi ! Mais sois sûre qu’après moi, viendront d’autres Chevaliers… et qu’eux aussi, comme moi, comme Patrick, oseront te défier ! La seule différence avec nous, c’est qu’eux y arriveront ! Ils réussiront, eux, à anéantir tes rêves utopiques ! acheva-t-elle, une lueur presque démente dans les yeux. Sa confiance en ses frères d’armes frisait le fanatisme, et cela se lisait dans toute son attitude. Chaque parole lancée par Cécile était un coup de poignard pour Sonia et l’atteignait directement dans son orgueil. Pour la deuxième fois, elle avait échoué ; elle était encore sur la route de l’échec. Qui plus est, cette minable guerrière d’Athéna était non seulement responsable de la présente situation, mais en plus se permettait de la braver, voire la menacer malgré la position où elle se trouvait. Comment osait-elle ? - Et tu oses… Tu oses me menacer ? Cécile n’eut même pas le temps de réfléchir à sa témérité. Le poing de Sonia, auréolé d’une aura sanglante, s’abattit sur son visage, porteur de toute la haine de la guerrière de la Tourmente. Elle portait bien son nom de la Tourmente ; aveuglée par la rage, elle semblait s’être transformée en une tornade de hargne et d’agressivité. Sonia continuait à frapper, sans se rendre compte qu’elle était en train de détruire sa seule et dernière source d’informations. Elle n’avait plus qu’une idée en tête, punir le Chevalier de la Licorne de son audace envers elle, de ne pas avoir les documents qu’elle cherchait, de lui mettre des bâtons dans les roues, de l’avoir fait encore échouer... La punir d’exister. La première vague de coups passée, Cécile sentait la douleur s’atténuer. Son corps n’était plus que le punching-ball de Sonia, subissant le châtiment de son impétuosité envers son adversaire ; son visage se marquait au fur et à mesure des coups de la guerrière hors d’elle, et elle commençait tout doucement à perdre ses esprits. Sa vision devenait de plus en plus rouge à cause de l’explosion des vaisseaux sanguins. Même son adversaire commençait à disparaître. Aveuglée par sa haine, Sonia continuait à frapper, sans réaliser que Cécile avait déjà perdu connaissance. Ses poings s’abattaient l’un après l’autre sur le malheureux Chevalier d’Athéna, à un rythme presque mécanique. Elle leva le poing gauche pour la énième fois, mais ressentit une douleur fulgurante à l’épaule au moment même où un cosmos explosait dans son dos. Son bras s’immobilisa, à la fois de surprise et de douleur, tandis que la brûlure s’estompait rapidement. Sonia pivota sur ses talons, cherchant hargneusement de tous ses sens celui ou celle qui avait osé lever la main sur elle. En face d’elle, debout dans l’embrasure de la porte, un homme la fixait durement, auréolé d’un cosmos agressif, lourd de menaces ; une Armure bleutée recouvrait sa peau mate, aux bras de laquelle se balançaient deux boulets. Le cosmos du Chevalier retomba subitement, son explosion n’étant due qu’à impressionner son adversaire et à la détourner de Cécile ; les boulets semblèrent s’immobiliser au bout de la protection sacrée, maintenant que l’aura qui les animait s’était calmée. Le Chevalier était à présent parfaitement serein, bien que son regard, toujours fixé sur Sonia, conservât son éclat implacable. Ils restèrent un long moment face à face, se dévisageant et s’étudiant déjà. Sonia frémissait de rage, tandis que l’homme en face d’elle ne bougeait pas d’un cil. Ce fut finalement lui qui rompit cet équilibre. Érigeant une barrière protectrice autour de lui, le Chevalier se détourna de Sonia et s’avança vers le corps inanimé de Patrick pour tâter son pouls. Un hurlement bestial le cloua sur place, et il vit du coin de l’œil Sonia bondir vers le lit où reposait le jeune Chevalier du Cygne, furieuse à l’idée que le nouveau venu puisse arracher sa victime à la mort. L’homme leva calmement la main vers son adversaire, et le boulet qui y était attaché fonça vers le Chevalier de la Tourmente avant qu’elle ne le voie arriver. Elle ne put rien faire pour l’éviter. Le choc fut violent et la jeune fille alla rouler contre le mur. N’djim du Cerbère concentra son cosmos et envoya ses deux boulets en direction de Cécile. - Styx Defense… murmura-t-il, presque pour lui-même. Les chaînes s’enroulèrent en spirale autour du Chevalier de la Licorne, auréolées du cosmos mauve de leur maître. Elles se mirent à tourner de plus en plus vite autour de leur protégée, pour former en quelques secondes à peine un véritable tourbillon d’énergie défensive. Plus personne ne pouvait approcher Cécile désormais, sauf N’djim lui-même. N’djim regarda son adversaire se relever et prit la parole. - Sache que si tu essayes d’approcher du Chevalier de la Licorne, mes deux boulets te frapperont inlassablement. Jusqu’à la fin. Tout comme tu le faisais avec Cécile… précisa-t-il, son regard s’assombrissant encore plus. Indécise, Sonia regardait tour à tour le tourbillon protecteur formé par les boulets et le Chevalier d’Argent face à elle. Un Chevalier d’Argent… Les choses commençaient à se corser… La voix de N’djim résonna de nouveau dans la petite chambre. - Sache aussi, que ce ne seront pas mes boulets qui t’immobiliseront, malheureusement pour toi… mais moi ! Ses yeux s’illuminèrent d’une couleur identique à son cosmos, et son aura embrasa son Armure. N’djim se mit en garde, et Sonia fit de même par réflexe, hagarde, totalement dépassée par la tournure que prenaient les événements. Non seulement elle avait échoué dans sa quête des documents, mais en plus, elle se retrouvait face à un Chevalier d’Argent. La bataille venait à peine de commencer, et elle se trouvait déjà dans une situation difficile.
Pendant ce temps, dans les couloirs de l’hôpital, on pouvait entendre les patients, les infirmiers et les docteurs discuter des bruits et du vacarme qu’ils venaient d’entendre. Une foule compacte s’était amassée devant la chambre, tentant de comprendre ce qui se passait. Mais c’était sans compter Arnaud. Assis sur une chaise, il la faisait nonchalamment balancer sur un pied, son dossier appuyé à la porte derrière lui. Sortant de sa poche revolver son badge de sécurité, il annonça d’un ton blasé que tout était terminé et qu’ils avaient la situation sous contrôle, et finit par demander à tout ce petit monde de regagner sagement leurs chambres. Les curieux finirent par se disperser à regret, et Arnaud les regarda s’éloigner, remerciant intérieurement Clément de lui avoir un jour fait plusieurs badges et cartes. Il pouvait ainsi s’infiltrer et calmer les situations les plus gênantes pour l’Ordre. Celle-ci le préoccupait particulièrement, les dégâts étant déjà assez importants d’après lui, et trop de témoins avaient été impliqués ; les rumeurs allaient aller bon train… Il était encore plongé dans ses réflexions lorsqu’une explosion retentit dans son dos. La porte de la chambre s’arracha à ses gonds, le propulsant avec sa chaise en avant. Arnaud s’écrasa contre le mur qui lui faisait face et se releva en maugréant. « Franchement, N’djim… Pas besoin de démolir la baraque non plus… » Il essuya le mince filet de sang qui coulait de son front, et s’approcha discrètement de la chambre encore fumante. Il risqua un œil à l’intérieur de la pièce, juste à temps pour voir N’djim en sortir, tenant dans ses bras une Cécile inanimée, auréolée du cosmos réparateur du Chevalier du Cerbère. Un instant, Arnaud craignit le pire, mais le faible cosmos de Cécile le rassura ; au moins, elle était vivante. Ces premiers soins que lui prodiguait N’djim lui sauveraient sans doute la vie. Il leva un regard interrogateur vers N’djim. Le Chevalier d’Argent haussa les épaules. - Elle a fui. Je l’ai touchée, mais elle s’est enfuie. J’y ai été un poil trop fort, ironisa-t-il. Je ne voulais pas la tuer, mais la chambre était trop petite pour contenir tant d’énergie. Elle a valsé par la fenêtre, ricana-t-il. Mais elle a disparu. Je ne l’ai pas suivie, il faut s’occuper de Cécile avant tout, conclut-il en baissant les yeux vers le jeune Chevalier de la Licorne, toujours inconscient. - Je peux aider ? - Je ne crois pas, non… J’en ai assez pour elle… Ses lésions internes sont en train de se refermer assez rapidement Si j’ai besoin de plus d’énergie, ou d’un cosmos plus puissant, je te le dirai. Les sourcils froncés, N’djim s’éloigna avec Cécile dans les bras. Arnaud le suivit des yeux, puis pénétra dans la chambre, inquiet. Il n’avait ressenti que trois cosmos dans la chambre… Ceux de Sonia, Cécile, et N’djim. Et Patrick alors ? S’il n’était pas là, où restait-il ? Son regard tomba sur le lit, étrangement intact malgré les affrontements. Il distingua la forme du corps inerte du jeune Chevalier et le sonda rapidement, espérant de tout son cœur se tromper. Mais non… Il y avait bel et bien quatre personnes dans cette chambre, mais seulement trois cosmo-énergies. Sa gorge se serra et il baissa la tête, les poings serrés et les larmes aux yeux. Cette nuit, la constellation du Cygne serait en deuil ; elle avait perdu son jeune protégé. Cécile, quant à elle, termina tranquillement sa nuit dans une chambre beaucoup plus calme. N’djim ayant accompli un excellent travail de guérison, ses jours n’étaient plus en danger, bien qu’elle fût plongée dans un profond coma. Par mesure de sécurité, Arnaud et le Chevalier du Cerbère passèrent la nuit à sa porte, à discuter des futurs événements. Pour l’instant, Leti, François et eux-mêmes étaient sur place dans les Pyrénées ; Laure, Renji et Aurélie se dirigeaient pour leur part vers les pistes afghanes. Arnaud et N’djim décidèrent de ramener Cécile et Patrick au Sanctuaire et de revenir ensuite aider Leti et François. Cette décision arrêtée, le silence retomba entre eux. Arnaud s’adossa à la porte et roula une cigarette. A ses côtés, N’djim réfléchissait intensément à son dernier combat. Le cosmos de Sonia l’avait mis profondément mal à l’aise ; il recelait quelque chose d’anormal, mais qu’il n’aurait pas pu décrire. Il l’avait seulement ressenti. Ça avait été certes très court, mais il avait pu savoir que son adversaire n’était pas quelqu’un d’ordinaire. - Te prends pas la tête, mister... N’djim sursauta, tiré de ses pensées. A côté de lui, Arnaud tira longuement sur sa cigarette. - Je sais à quoi tu penses. Je l’ai senti moi aussi. Mais ne te prends pas la tête pour ça. - Oui mais, j’essaye seulement de comprendre… Et si en plus, tu me caches aussi certaines parts des événements… Qu’est-ce qui se passe, là ? - C’est pour ton bien, N’djim. Crois-moi. Pour le moment, nous ne sommes que les douze à connaître le but de cette mission. Tu es là pour m’assister, et pour ton bien, je préfère que tu en saches le moins possible tant que je n’aurai pas en main les éléments de Laure et Renji. Moi-même, j’avance dans le flou pour le moment. - Je n’aime pas ça, Arnaud, marmonna N’djim en se dirigeant vers la fenêtre. Tu le sais, je t’ai toujours suivi. Mais si tu veux que je t’aide, poursuivit-il en se retournant vers le Chevalier du Scorpion, moi je veux savoir pourquoi on est là ? Pourquoi on a dû assister, impuissants, à l’exécution d’un frère ? Et pourquoi le Sanctuaire est sens dessus dessous ? - Tu sauras tout au moment opportun, mister. Je t’assure. Fais-moi confiance, quand même. Avant que le Chevalier d’Argent ait pu répliquer, Arnaud tourna les talons et se dirigea vers le parc intérieur de l’hôpital en faisant un signe d’au revoir à N’djim. - J’en ai marre que tu te foutes de moi ! ragea N’djim à l’attention de son supérieur. Pour toute réponse, Arnaud agita les doigts par-dessus son épaule sans même se retourner. Furieux, N’djim lança son pied vers le mur, avant de se rappeler que c’était un geste capable de démolir le mur en question. Il s’arrêta à temps, et pénétra plutôt dans la chambre de Cécile. Sa jeune sœur d’armes était toujours inconsciente.
Deux jours s’étaient écoulés depuis l’incident de l’hôpital. Arnaud avait réussi à étouffer les fuites. L’incident fut classé en tant qu’accident dû à un disfonctionnement de la machine de réanimation, et les dossiers de Cécile et Patrick avaient été effacés. Cependant, l’affaire n’était pas si classée que ça. Un inspecteur de police s’était montré bien curieux, posant tout un tas de questions ; pour ne rien arranger, il recherchait précisément les dossiers des deux Chevaliers. Pour Arnaud, ce Rubio devenait gênant par ses questions au personnel de l’hôpital d’Aiinsa. Mais il savait qu’il n’obtiendrait que des réponses contradictoires sur ce qu’il voulait entendre ; ce n’était pas pour rien qu’il s’était occupé lui-même d’étouffer l’affaire. Entre-temps, N’djim avait accompagné le corps de Patrick au Sanctuaire, ainsi que Cécile, qui pour le moment était maintenue dans un coma artificiel. La mission commençait vraiment mal, se disait Arnaud en voyant l’officier s’agiter dans tous les sens.
* * *
- Leti… Les clés. La jeune fille fixa Arnaud, les sourcils froncés. François secoua la tête et fit signe à la jeune fille de remettre les clés à son aîné. - Tu comprends, expliqua-t-il d’un ton moqueur, Môssieu ne fait pas confiance aux filles qui conduisent. Sauf une. Pour lui, la conduite, c’est une affaire d’hommes. Arnaud haussa les épaules, désinvolte. - Bah écoute… Déjà que les femmes en héros, c’est pas crédible, alors au volant… Je me demande lequel est pire, soupira-t-il en secouant la tête. Leti le dévisagea et lui jeta le trousseau à la figure. - De toute façon, répliqua la jeune fille d’un ton mielleux, les chauffeurs ne sont qu’un rang élevé des larbins, c’est bien connu... Et ni une ni deux, elle s’affala sur la banquette arrière, satisfaite de son espièglerie. - Peut-être… Mais les chauffeurs, au moins, ont le plaisir d’appuyer sur le champignon, ma belle ! Leti haussa les épaules, pas convaincue pour un sou. - Si c’est ça, ton unique ambition… Je t’admire. Ça doit être pas mal, comme vie. Arnaud éclata de rire et se tourna vers François, assis sur le siège passager. La mine réjouie, il boucla sa ceinture d’une main et secoua son ami de l’autre. - Dis donc toi… Ton permis, tu le passes quand ? - Moi ? J’en ai pas besoin, de permis. J’ai un larbin-chauffeur à ma disposition, moi, ironisa François avec un clin d’œil à l’attention de Leti. La jeune fille apprécia la plaisanterie et s’esclaffa un peu trop haut. Faussement vexé, Arnaud étouffa un juron et démarra ; la voiture quitta la ville en direction des Pyrénées. En pensant au trio qu’ils formaient, Leti ne put s’empêcher de penser qu’elle-même et Arnaud avaient décidément bien changé. Se souvenant des jeunes Chevaliers nerveux et patauds qu’ils étaient lors du Conseil, elle esquissa un sourire amusé. A la sortie du rassemblement, Arnaud avait rattrapé son retard, faisant la connaissance de ses frères d’armes en quelques minutes à peine, retrouvant petit à petit sa désinvolture naturelle qui l’avait abandonné lorsqu’il s’était retrouvé face aux autres Chevaliers d’Or qu’il ne connaissait pas. Les vétérans l’avaient particulièrement intimidé. Aujourd’hui, Arnaud était redevenu le Chevalier du Scorpion expérimenté et léger qu’il avait toujours été, et Leti elle-même se sentait plus à l’aise parmi ses frères d’armes. Elle avait profité de son bref séjour au Sanctuaire pour trouver ses repères et poser ses marques ; à présent, elle s’y sentait comme chez elle et les autres Chevaliers d’Or étaient pour elle ses égaux. Ariane faisait encore exception, en tant que doyenne, et François lui était nettement plus familier que les autres. Leti se renfonça dans son siège, savourant l’énergie chaleureuse de ses compagnons de voyage qui se chamaillaient encore. -Arnaud ? Pour savoir, N’djim l’a pas trop mal pris, que tu l’aies mis hors course ? Les mains sur le volant, Arnaud était plongé dans ses pensés. La question de François l’avait littéralement survolé. - Arnaud ! Ici la Terre…. - Oui ? Tu disais ? François lâcha un profond soupir, soi-disant exaspéré. - Pas vrai… T’écoutes jamais quand on te parle ou quoi ? Insupportable… Adossée à la portière, Leti regardait ses deux aînés se chamailler comme des gosses. Une façade, tout simplement, elle le savait. Ils n’appréciaient pas plus qu’elle la mission qui arrivait. - Ma première mission, songea-t-elle. Je ne dois pas être en retrait, je dois être au meilleur de moi-même… Je dois prouver… Mais à l’avant de la voiture, l’ambiance retournait à celle d’une bande de jeunots qui partaient en vacances, la distrayant de ses réflexions. Affalé sur son siège, François regardait le paysage défiler vu que le conducteur ne daignait répondre à aucune de ses questions. Mais il ne lâcha pas le morceau pour autant. - T’es pas drôle, Arnaud. Je sais pas à quoi tu penses, mais t’es pas drôle. Au fait, je peux t’en prendre une, hein ? ajouta-t-il en tendant la main vers le paquet de cigarettes qu’Arnaud avait déposé sur le tableau de bord. Vu que son ami avait en ce moment la tête dans les étoiles, c’était l’occasion rêvée de lui en chiper une sans se faire remarquer. François sortit complaisamment une cigarette du paquet, mais son geste avait néanmoins attiré l’attention d’Arnaud. - Prends-moi une cigarette et je te jure que ça va mal aller, siffla le Chevalier du Scorpion. Il ne me reste qu’un paquet pour la mission, il est hors de question que je partage. Donc si j’étais toi, je reposerais délicatement la cigarette et le paquet là où tu les as trouvés. Mais si tu veux, j’ai des chewing-gums, ajouta-t-il, la bouche en cœur. - Tu insinues quoi, que j’ai mauvaise haleine ? - Mais non, mais non… Tiens, prends un bonbon, ça te détendra. - C’est un bonbon à quoi ? - Ah non, ce n’est pas à la nicotine, désolé. C’est de la menthe. - De la bête menthe, soupira François. Tu aurais pu acheter des cigarettes avant de partir, quand même. Comme ça, on n’aurait pas été à court, marmonna-t-il. - Ben voyons… Et pourquoi tu ne l’as pas fait toi-même ? Tu aurais pu t’acheter les tiennes, tout court. - Ouais mais moi, je suis fauché en ce moment. - Mon pauvre, va… ironisa Arnaud. Et à l’avant de la voiture, c’était reparti pour une scène de ménage. - Incroyables, ces deux-là, songea Leti. Elle se pencha entre eux, une main sur chaque accoudoir. - Alors vous deux… C’est pour quand, le divorce ? - Bientôt, maugréa Arnaud. J’ai déjà mes avocats sur l’affaire. - Peut-être, mais je te préviens que j’ai un dossier béton, moi, répliqua son ami du tac au tac. Leti s’affala sur la banquette, découragée. - Je laisse tomber… Vous êtes trop pénibles pour moi, j’abandonne. Les deux compères échangèrent un large sourire. - On l’a encore eue, se réjouit Arnaud. - Dis donc, Leti… Tu n’apprendras donc jamais rien ? fit mine de s’indigner François. - C’est devenu trop facile, déplora Arnaud en secouant la tête d’un air désolé. Ce n’est même plus drôle… La jeune fille se renfonça dans les coussins, faussement outrée. - Imbéciles… siffla-t-elle.
Mais le sérieux fit vite son retour quand François reposa sa question. - Reconnais-le François, on sait à qui on a affaire, et la moindre erreur peut nous coûter cher. On a perdu le Chevalier du Cygne, on ne va pas perdre encore un autre frère d’armes. Et de toute façon, toi qui t’es déjà mesuré à eux, tu sais que j’ai raison. Tu connais le niveau de N’djim, tu sais qu’il aurait fini par lâcher prise. Et il serait devenu un poids mort pour la mission. Personne n’a besoin de ça, conclut Arnaud en secouant la tête, les sourcils froncés. Ni lui, ni nous. François hocha la tête ; Arnaud avait raison. Mais, s’il était à présent rassuré, il n’en allait pas de même pour Leti. Au fond d’elle-même, elle se disait qu’elle ne devait pas être un boulet pour ses compagnons, et qu’elle avait beau avoir un meilleur niveau que N’djim, son expérience avoisinait dangereusement le zéro. Et si elle lâchait prise, elle aussi ? La voiture filait sur la départementale. Au bout de quelques minutes, Arnaud commença à ralentir, comme s’il cherchait son chemin. - Là ! s’écria François en pointant du doigt vers la droite. En effet, une piste partait de l’autoroute et grimpait à l’assaut de la montagne. Arnaud s’y engagea et gara la voiture sur le côté du chemin. Il coupa le contact, défit sa ceinture de sécurité et se laissa glisser sur son siège avec un bâillement. - Bon… On y va comment ? On continue sur la piste en bagnole et arrivés au bout, on sonne et on dit qu’on est là pour les pizzas… ? François réprima un sourire malgré lui, mais Leti fut plus vive. Coupant sec Arnaud dans son délire, elle se chargea de lui expliquer la situation. Suite aux investigations et aux repérages qu’elle avait effectués avec François, il avait été décidé qu’ils s’approcheraient de la zone sensible non pas par la piste elle-même, mais par le col de la montagne. Le domaine qu’ils avaient observé se trouvait perdu dans un vallon, et l’accès par la piste serait un suicide, surtout que la zone en question était une ancienne zone de soldats franquistes. Pour le moment, il fallait intervenir, mais le plus discrètement possible. Arnaud et François étaient sereins, et Leti essayait de se donner les mêmes airs. Mais ses aînés n’étaient pas dupes, et pour éviter de montrer sa tension, elle essayait de parler de leur mission le plus fermement possible. Cette mission était pour elle son baptême du feu, et elle ne voulait pour rien au monde se laisser entraver par sa nervosité. Elle ouvrit la bouche pour poser une question à François, mais Arnaud fut plus rapide. -Dis-moi François, sur ces gars… Tu as quoi comme infos ? Tu les as déjà affrontés, et j’aimerais bien en savoir un peu plus, sur le d’où il viennent, quels genre d’ennemis… tout ça.... On est là pour réparer la connerie de Wilfried, je suis d’accord. Mais je croyais que l’échec l’avait remis sur le droit chemin. Après tout, en tant que Chevalier d’Athéna, il devait obéissance... François poussa un soupir exaspéré, ses doigts pianotant sur le tableau de bord. - Bon, Arnaud… Je vois que tu n’as rien écouté lors du conseil… Fais pas l’innocent, lâcha-t-il sèchement en voyant que son ami essayait de se justifier. Je sais bien que tu as toutes les tares de la Terre, mais là c’est un manque de sérieux. Arnaud secoua la tête, mécontent. Il n’avait pas besoin qu’on lui fasse la morale. - Tu exagères. Écoute-moi jusqu’au bout, au moins. Je sais pourquoi on est là, mais j’aimerais savoir qui je vais avoir en face de moi. François ne répondit pas. Il se contenta de hausser les épaules, en attente de la suite. Arnaud poursuivit. - Wilfried ? Je sais que c’est l’ancien Chevalier du Burin et qu’il a eu l’audace de défier les Dieux en essayant de créer lui-même une Armure. Quand le Pope a eu vent de ses projets, il a dû le destituer, et a même été jusqu’à le priver de ses sens. Enfin, ne pouvant pas éteindre son cosmos, il l’a envoyé en exil. Pire que la mort… Wilfried est devenu un légume humain. Et la constellation du Burin est redevenue une constellation éteinte. Ça, je sais. Leti écarquilla les yeux ; elle ne connaissait pas cette sombre histoire de Chevalier déchu. La seule chose qu’elle savait était que certains hommes essayaient de se soulever contre les Dieux et de créer de nouvelles Armures. Or la création d’une Armure ne pouvait venir que d’un ordre divin ; en effet, seul un Dieu peut donner la vie à une Armure et lui insuffler un cosmos. Du coup, elle avait l’impression de vivre les premier pas d’une hérésie et d’assister à la création d’une future Tour de Babel. Et le Sanctuaire devait châtier les hommes qui se soulevaient contre les Dieux et le sanctuaire Athénien. Poursuivant sa comparaison avec la Tour de Babel, Leti murmura, comme pour elle-même : - En gros, on est là pour éviter que la tour s’élève trop… C’est ça ? François l’entendit et se retourna vers elle, un gentil sourire aux lèvres. - Oui… Si on veut. Pas mal, ta comparaison. Mais, ajouta-t-il d’un air plus sombre, j’ai bien peur que le danger soit plus grand que celui que j’ai déjà rencontré. - Tu crois ? s’inquiéta Leti. - Je n’en sais rien, répondit son ami avec un haussement d’épaules. Il faudra voir sur place. Déjà, j’espère que Renji et Laure ont de bonnes informations en ce qui concerne Wilfried. Ils sont normalement en train de reprendre la piste d’Arnaud pour essayer de savoir où est passé cet hérétique. Et Ariane est en train de récupérer le maximum d’infos qu’elle a pu recevoir des données de Cécile et de Patrick. Si tout se passe bien, avec ce que nous découvrirons aujourd’hui, on devrait être capable d’en savoir pas mal sur tout ce qui se trame ici, conclut-il. Le silence retomba dans la voiture. Chacun réfléchissait à ce que François venait d’expliquer. Arnaud ne pouvait s’empêcher de penser que finalement, tout cela n’était que beaucoup de bruit pour rien. Après tout, il suffisait simplement de débarquer, foncer dans le tas et mettre la main sur toute pièce d’information qui leur semblerait pertinente. Quant à Leti, elle se contentait d’espérer d’être à la hauteur et priait pour que les choses ne tournent pas mal. François, enfin, faisait confiance au trio qu’ils formaient. Même si Leti n’avait aucune expérience de combat, elle n’en renfermait pas moins une puissance colossale ; et elle le savait. Quant à Arnaud et lui-même, il aurait presque pu dire que c’était pour eux une mission de routine. « Bon… peut-être pas de routine, c’est quand même un peu plus corsé que ça… mais ce n’en est pas loin » songea-t-il ironiquement. Il poussa un profond soupir : - Bon… c’est pas tout ça… Arnaud et Leti se tournèrent vers lui, le premier avec la main sur la poignée de la portière, prêt à y aller, la seconde avec un nœud dans le ventre. « Déjà ? » s’affola-t-elle. -On y va, lâcha brièvement François en sortant de la voiture. - Sors le matos du coffre, Arnaud, ordonna François. On laisse la voiture ici. - Le matos… ? - Ben oui… tu comptes m’escalader cette montagne sans harnais et y aller en tatanes, peut-être… Et de lorgner dédaigneusement le Chevalier du Scorpion. Arnaud était très loin de la classe chevaleresque que l’on aurait pu attendre de lui. Mal rasé, un pantalon baggy aux couleurs indéfinies lui tombant sur les chevilles, chaussé d’une vieille paire de tatanes, et pour couronner le tout, un large bob enfoncé jusqu’aux yeux, il ressemblait à tout sauf à un représentant de l’élite de la Chevalerie d’Athéna. Au terme de son examen, François secoua la tête d’un air désolé. - Dis donc… Il est loin, le temps des habits imposés. Pauvre sanctuaire, déplora-t-il ironiquement. Arnaud éclata de rire. - Oui mais bon… C’est quand même plus relax, comme ça… Tu ne trouves pas ? ajouta-t-il malicieusement en contournant la voiture vers le coffre. Mais Leti avait été plus rapide, trop heureuse de se distraire et d’occuper ses mains à autre chose qu’à exprimer sa nervosité. Ainsi, le temps qu’Arnaud contourne la voiture, elle avait déjà ouvert le coffre de la berline et en avait sorti trois gros sacs de randonnée à l’intérieur desquels se trouvait tout l’essentiel de survie, ainsi qu’un harnais et tout l’équipement pour une aventure en montagne. Le Chevalier du Scorpion ouvrit de grands yeux. - Mais ! Mais… mais qu’est-ce que c’est que ça ? A quoi ça va nous servir, tout ça ? Un sourire espiègle se dessina sur ses lèvres et il releva la tête, cherchant son ami des yeux. - Eh, François… Dis donc… Il est loin le temps où le Sanctuaire pouvait user de ses pouvoirs sans passer par des artifices à la James Bond. Tu trouves pas ? lança-t-il avec un grand sourire radieux. François éclata de rire et balança son sac sur son épaule. - Allez... Le vallon est de l’autre côté de la montagne, on y va par en haut. Vas-y, James Bond, conclut-il en propulsant Arnaud en avant d’une grande claque dans le dos. A toi l’honneur. Le petit groupe se mit en marche sous la direction du Chevalier du Scorpion. Leti suivait et François fermait la marche. Ils longèrent la montagne pendant une bonne demi-heure, jusqu’à ce que Leti trouve un endroit propice à l’escalade ; ses aînés approuvèrent son choix, et tous se préparèrent à l’ascension. - Cette fois, lança Arnaud à François, c’est toi qui passes devant. S’il faut que quelqu’un se casse la figure, autant que ce soit toi. Moi, je suis pas encore casé, j’ai encore besoin de ma belle gueule. - Allez mister Freeze, qu’est-ce que tu as… Va dire bonjour à ton habitat naturel… Ça doit cailler là-haut, tu te sentiras tout à fait chez toi, ajouta-t-il en levant la tête vers le pic de la montagne. François sourit mais le doute restait ancré en lui. Quelque chose les observait… Pas quelqu’un, quelque chose. D’inhumain. |
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